Sandrine Belouzard, à la recherche du traitement

Chercheuse-virologue au CNRS depuis 2010, Sandrine Belouzard travaille au Centre d’infection et d’immunité dont le laboratoire est situé à l’Institut Pasteur de Lille.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Après l’obtention de ma thèse de doctorat en biologie cellulaire, j’ai cherché un stage à effectuer en virologie. J’ai été contacté par un laboratoire américain et je suis partie aux États-Unis, plus précisément à Ithaca dans l’État de New-York à l’université de Cornell. Mes études portaient sur les coronavirus. À mon retour en France, trois ans et demie plus tard, j’ai travaillé quelques années sur le virus de l’hépatite C, lorsque j’ai rejoint le laboratoire de Jean Dubuisson à l’Institut Pasteur de Lille. En 2013, ce laboratoire de virologie moléculaire et cellulaire a commencé à étudier les coronavirus. Nous sommes 8 sur les 24 chercheurs du laboratoire à être spécialisés dans l’étude des coronavirus.

Qu’est-ce que le coronavirus ?

Il n’y a pas un mais des coronavirus. Les coronavirus ont été découverts dans les années 1960. Les coronavirus constituent toute une famille de virus. C’est-à-dire qu’ils comprennent plein de virus et qui peuvent infecter différentes espèces. Les coronavirus causent des maladies bien connues dans le domaine agroalimentaire, par exemple le coronavirus du porc il y a quelques années. Pendant longtemps les seuls coronavirus infectant l’homme connus n’étaient responsables que de rhumes. Depuis 2003, avec le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), des coronavirus beaucoup plus pathogènes pour l’homme ont émergé.

En tant que spécialiste, envisagiez-vous une telle crise sanitaire ?

C’est un peu bizarre. Bien sûr, on savait qu’on pouvait envisager l’apparition de nouveaux virus. Mais je n’avais pas imaginé l’ampleur que ça pouvait prendre ou les conséquences qu’il pouvait y avoir. Ce que nous vivons actuellement n’est jamais arrivé.

En quoi consiste votre travail au laboratoire ?

Nous faisons de la recherche fondamentale. Nous étudions le cycle viral dans la cellule. Les virus ne peuvent pas se multiplier seuls. Nous étudions donc comment le virus entre dans une cellule et comment il en ressort pour infecter d’autres cellules.

“ C’est une course contre la montre ”

Et depuis l’épidémie de Covid-19 ?

Début mars s’est mis en place une task force au sein de l’Institut Pasteur de Lille. Elle réunit des chercheurs de plusieurs laboratoires de l’Institut qui œuvrent dans la recherche d'un traitement contre le Covid-19. Notre objectif est de trouver des médicaments pour soigner les malades du Covid-19. C’est devenu l’essentiel de notre activité quotidienne. On collabore avec d’autres laboratoires comme des chimistes. On met en commun nos compétences. Au sein de la task force, nous apportons nos connaissances sur la virologie. C’est très différent de mes travaux habituels, c’est beaucoup plus appliqué. Il a fallu que je me forme. Mais c’est très important de le faire.

Comment cela se traduit au quotidien ?

C’est une course contre la montre. Nos journées de travail sont intenses. Quand on voit le nombre de malades, cela nous met un peu de pression sur les épaules pour travailler au plus vite. On étudie des souches de virus. Les conditions de travail dans le laboratoire sont donc très sécurisées. Nous devons faire attention. Et pendant le confinement, nous avions dû nous réorganiser car il y avait moins de chercheurs dans le laboratoire. Mais nous avançons bien. Dans le mois à venir, nous espérons avoir des résultats à proposer au sujet d’une molécule qui pourrait combattre le virus.

Quelle est la particularité du Covid-19 ?

Je ne suis pas médecin mais, quand on voit la différence de symptômes d’un patient à l’autre, ce virus est très surprenant. Sur les mécanismes viraux aussi, c’est étonnant. Ce Covid-19 n’est pas amené à disparaître de lui-même dans les prochaines semaines et on n’est pas à l’abri d’autres formes de coronavirus à l’avenir. Voilà pourquoi, il est important d’identifier des médicaments qui pourront agir sur ce coronavirus mais aussi sur d’autres à venir.